Mulhouse Istanbul à vélo

Jour 16

🇦🇹 VIENNE +116km
 
1000 km depuis mon départ !!!!!
“Dans une bagarre il vaut mieux crever les yeux avec tes pouces !”
Voici un des conseils qu’on a pu me donner aujourd’hui.
J’y reviendrai plus loin si vous poussez la lecture jusque-là…
 
La journée d’hier semble me pousser à passer à autre chose… si bien que je sens réellement une main dans mon dos… une de ces paluches bienveillantes qui vous caresse entre les omoplates et vous dit :”vas-y maintenant, tu as tout ce qu’il faut, vas-y mon gars”.
 
Elle est là, la main du vent.
 
Vent dans mes mollets.
Vent des excès de vitesse
Vent tard
Vent dû
 
La piste cyclable est un peu monotone.
Longue ligne qui s’étire, nue et sans saveur, un peu comme l’autoroute entre Mulhouse et Strasbourg.
Il ne se passe rien.
 
Je ne rencontre personne sinon des cyclistes de chronomètre que j’ai à peine le temps de voir.
Amoureux du lycra et nostalgiques des Biomans, corps musclés ou capitonnés, la parure est soignée.
Ces orphelins du tour de France n’ont pas de regard. Les lunettes au redoutable coefficient de pénétration dans l’air sont en effet miroir ou avec des reflets moirées tel des scarabées ou mouches à excréments.
Les pieds sont vissés aux pédales et de looongues chaussettes montent jusqu’aux genoux a la façon des matadors que jamais je n’adore.
 
Couchés sur leur guidon en carbone, casque profilés, visages fermés, ils foncent comme des fusées.
J’adore quand ils sont en meute.
Tel un banc de poissons, les écarts de ceux à la tête sont suivis par les autres avec souplesse et discipline.
Un essaim de guêpes qui danse sur le dancefloor cyclable.
Ils m’ont l’air énervés. Fâchés avec leur chrono-miroir miroir… dis-moi qui est le plus rapide.
Je m’en amuse…me moque un peu mais n’en reste pas moins admiratif.
Ils sont puissants, endurants, en bonne santé, mal habillés, propres… écologiquement propres ! Pour le reste, enfoncés dans ce lycra en plein effort pendant des heures…je mettrais mon nez au feu que Jean-Baptiste Grenouille se retournerait dans sa tombe.
Bon… pas le temps de discuter avec eux…
Je tente un petit “halo” de temps en temps mais vu leur vitesse, j’en reste au h…
 
Je suis appelé par Vienne !
 
J’ai le sentiment que le vent qui me pousse vers elle est le sien.
Vienne est pour moi une grande et belle femme en robe longue et ample. Crinoline qui trône sur des souliers brillants a la semelle de toupie.
Elle tourne et tourne tel un gramophone alcoolique, vente et expire une haleine de fête et appelle les hommes en lycra ou en mérinos à entrer dans sa danse… mini derviches tourneurs de pédales attirés tels des guêpes a lunettes-miroir pour les uns, en prince ottoman sur sa monture bleue, me concernant.
Le bruit commence et s’intensifie comme à l’approche de toute grande ville. Voie rapide, autoroutes,
Je m’amuse à imaginer les conducteurs de ces voitures et camions en lycra moulants assis derrière leurs volants.
La frustration avec les pistes cyclables, c’est qu’on n’arrive jamais dans une ville avec LE gros panneau VIENNE par exemple.
C’est tellement satisfaisant d’être accueilli avec ces grandes lettres, a la façon d’un HOLLYWOOD autrichien.
Non. Les panneau ont la taille d’un mouchoir et le nom de la ville est écrit avec la même taille de caractères qu’au bas d’un contrat de banque.
 
Un pont qui enjambe l’autoroute me laisse voir un de ces trophées : WIEN en blanc sur fond bleu. Waaaaaa !
J’entre en banlieue, frôle une ou deux armatures… j’ai vue sur un début de crinoline, je me hisserai jusqu’au haut de ses jambes demain. Maike m’attend, il est mon hôte Viennois pour ce soir grâce à une application pour cyclo-voyageurs.
 
La première phrase de ce récit est de lui.
Il me fait rire. Pince sans rire, il habille systématiquement ce qu’il aime et ce qu’il ‘aime pas avec un “fucking”…
Fucking bike !
Fucking kebab !
Fucking price of electriciy
 
Un peu patibulaire… et peu expansif, il laisse mon imagination remplir les trous.
Entre les fucking-tout, tel un Petit Poucet très très énervé mais qui ne le montre pas, il a été question de krav-maga, de mauvais kebab, de negro, de drapeaux serbe au dessus du lit et dans la cuisine, une adoration pour ce pays des Balkans, aucune famille…
Sans doute que je me trompe, et peut-être pas, mais plusieurs fois j’ai cru que derrière ce regard indéfini, il y avait un homme dont le passé était vêtu d’un uniforme de soldat serbe couvert d’un sang qu’il etait préférable d’oublier.
Quand on n’a pas les réponses, l’imagination galope.
Bon ou mauvais cheval… qui sait.
Je suis reconnaissant pour l’accueil et heureux de partir de bon matin découvrir la dame a la crinoline