Mulhouse Istanbul à vélo

Jour 32

🇸🇰 Serbie +65km
LES PORTES DE FER
 
Le Roi Décébale m’invite à sa table.
 
Je roule épaule à épaule entre la Roumanie et la Serbie depuis un bon moment.
Le Danube est devenu tellement large qu’il n’y a jamais de pont entre ces deux voisins.
Une douane, avec traversée en bateau, mais fermée lors de mon passage.
 
Frustré de ne pouvoir rouler sur les terres Roumaines, je les regarde défiler à ma gauche et me répète que cette notion de frontière est bien abstraite.
 
Je me souviens cependant d’un changement amusant lorsque j’étais entré en Slovaquie : les corneilles n’étaient plus noires mais bicolores ! Grises et noires. Le Cid aurait donc uni Rodrigue et Chimène dans ce volatile d’outre Danube ?
 
La montagne me déploie toute sa splendeur.
 
C’est à gorge déployée qu’elle me laisse pénétrer ses monts ancestraux où plus d’un y a éprouvé sa vaillance jusqu’à l’épuisement.
Je monte le long de ses hautes jambes d’asphalte à en perdre haleine… mes puissants coups de pédales sont la promesse d’une vue imprenable, alors je maintiens la cadence… mon bassin tangue et la bicyclette se balance… mes mains sont ancrées aux cornes du guidon, je souffle et monte encore et encore avec endurance.
Ne pas lâcher la tension, admirer la verte et luxuriante toison qui borde ses rives mouillées.
Le lit du Danube se resserre sous les rochers qui prennent en étau se puissant courant.
Muscles bandés par presque 2000km non-stop depuis un mois, je suis une machine qui ne pense plus à l’effort.
 
Des pistons organiques dans une alternance mécanique qui traversent lignes et courbes sur cette route brûlante.
 
Certains passages obscures ne sont pas sans risque, des tunnels noirs aux parois sauvages. Je les pénétres corps et âmes non sans tension. La température change, mes poils s’herissent, je me sens dans un endroit interdit, c’en est que plus excitant jusqu’à cette lumière qui apparaît au loin, s’approche et s’intensifie : la délivrance dans un jaillissement de lumière et chaleur qui s’empare de tout mon corps… le soleil après les ténèbres.
 
Mais il faut encore tenir, l’ascension n’est pas terminée, les portes de fer ont encore beaucoup a offrir et elles sont exigeantes.
 
Je puise dans mes dernières ressources et maîtrise mes poumons… le coeur a doublé de volume, l’adrénaline aussi. J’échappe a la mort a 1 mètre près !
 
La parois rocheuse me crache dessus et me manque de peu.
 
Choqué je pose pied a terre et ramasse ce morceau de montagne, l’asphalte a été troué avec l’impact, je n’ose imaginer le résultat dans la chaire.
Je suis heureux, ma bonne étoile fait vraiment bien son travail, je suis un chanceux, alors je continue ma quête, aussi dure puisse-t-elle être.
 
Encore un tunnel où rien n’est lisse, mais j’y glisse mon Cheval Bleu, on serre les fesses et ça passe.
 
Tout devient de plus en plus grand, le paysage se dilate, la vue se trouble sous la sueur qui perle de partout, mon corps n’existe plus, je suis le monde, je suis l’air, je suis avec.
 
Le Danube m’avait parlé.
 
Mon coeur est prêt pour les portes de fer disait-il.
Le Danube sait.
Et quand on l’écoute autrement qu’avec ses oreilles, on comprend.
 
Je laisse ces sensations de joie prendre toute leur place, j’ai le temps…
 
Cette chevauchée m’a mis en appétit, tout la haut je trouve une table et y déploie mon festin de voyageur.
Hanna et Herbert arrivent a ce moment-là.
 
Affamés et sacoches vides je partage avec eux fromage, oeufs et pain, ma lavande aspic pour une irritation sur la jambe d’Hannah… puis nous repartons ensemble.
 
C’est très agréable de rouler avec d’autres… ça change des discussions avec dieu ou mon double qui je le sais, sont une seule et même personne.
 
Ces globe-trotter Viennois me propose de loger avec eux, il y aurait une place en plus dans leur réservation du soir.
65km/h !!!
 
Record de vitesse en descente des portes de fer.
 
Notre chaleureuse hôte Serbe nous apporte de savoureux beignets, des scroteukeu… ou sgrogneukeu… ha je ne sais plus !
 
Un trésor de gourmandise, surtout pour le mangeur d’oeufs-sardines que je suis devenu.
Comme je n’ai plus la notion des jours j’ai manqué l’échéance pour le journal l’Alsace qui suit mon aventure de façon hebdomadaire.
 
Douche, récits, photos à trier, soupirs d’aise.
 
Encore une fois je ne me relis pas, désolé pour les approximations.
ZzzzZzzzz