Mulhouse Istanbul à vélo

Jour 17

🇦🇹 +52 km trop de vent
 
En viennoiseries, kipferl serait l’ancêtre autrichien du croissant actuel.
C’est sans beurre et sans reproche que je passe du croissant feuilleté à la lune étoilée qui me suit a l’arrière du vélo.
Ces deux croissants se sont rencontrées juste avant le déclin de l’empire Ottoman qui s’étendait jusqu’à Vienne.
 
Voilà pourquoi il y a ici des symboliques multiples et personnelle qui me touchent;
– j’adore les viennoiseries
– mes ancêtres et mon histoire sont étroitement liés à cet empire et sa chute.
– Vienne est la porte de sortie vers l’autre Europe, celle de langues et alphabets qui me sont inconnues, donc plus exotiques.
 
De la Viennoiserie à la pâtisserie il n’y a qu’un peu de chantilly a franchir, et c’est bien à cela que me fait penser la ville du mélomane dur d’oreille, de l’onaniste œdipien, du peintre à dorures : a une pâtisserie géante.
 
Hier je la comparais à une grande dame qui valse, aujourd’hui à des gourmandises infinies, parfois dentelesques et parfois bien sobres et lourdes comme je les aime…tout comme les femmes.
Monuments, hôtels particuliers, restaurants, opéra, fontaines…ça sent la crème, le glaçage, le coulis, la meringue à tout va.
 
Miam.
Slurp.
 
Je m’en lèche les doigts et mon appareil photo est tout collant. Bravo.
 
Vienne c’est aussi le rayon surgelés.
 
Bâtons de glace qui se mettent sur la pointe des pieds, ces buildings froids et insipides jouent au jeu de la taille en se demandant qui a la plus gro… la plus grande.
Il y en a donc pour tous et ce n’est pas plus mal.
 
Je suis encore interpelé par les oubliés de l’empire Ottoman, ces Turcs aimantés par le drapeau… “Notre drapeau” comme ils le disent.
 
Invité dans tel Kebab, telle mosquée, tel bar, tel Guillaume, à chaque fois c’est pour ma pomme.
 
Sur les conseils de mon diététicien de poche, j’ai cessé les döner et autres pide dont je raffole pour revenir aux vraies protéines, sucres lents et fibres.
 
Mes repas sont donc faits de sardines, oeufs durs, tomates cerises, pain aux céréales, fromages et fruits.
 
Est-ce bon ? Non
 
Suis-je content de ça ? Non
 
Fier ? Oui… car j’ai le sentiment de me respecter… d’avoir de la considération pour ce merveilleux corps qui ne s’est jamais vexé des mauvaises blagues que je lui ai souvent fait subir.
 
Vous viendrait-il a l’esprit de mettre de la boue dans le réservoir de votre voiture ?
Non.
 
N’est ce pas ce que nous faisons avec notre corps parfois en nous gavant de cochonneries devant Netflix ?
 
Moi j’ai arrêté mon abonnement.
 
A Vienne le vent serait perpétuel. C’est Maike qui me l’a dit. Hier il m’a joyeusement soufflé dans le dos pour atteindre les jupes pâtissières de la capitale.
 
Aujourd’hui, il veut que j’y reste. Il a retourné son K-Way et de sa grande main large, il me tient la figure et me repousse en arrière.
 
Pourvus qu’il ne me crève pas mes yeux !
 
30 à 40 km/h de vent dans la face.
 
J’ai beau avoir un proéminent nez aerodinamique, cela ne suffit pas.
Je peine… je me fatigue… les éoliennes sont hystériques, je n’atteindrai pas la Slovaquie pourtant voisine d’ici ce soir.
 
Mais il y a toujours un bon côté aux choses pour qui sait voir… et là, il y a à voir !
 
Je rebaptise le fleuve en DANUDE.
 
Les commissures humides de cet énorme fleuve sont parsemées de “ohne textil”.
Des hommes qui aiment griller leur merguez, des femmes dorées par monts et par vaux, se répandent sous tout les angles. Immédiatement je pense à Pythagore et reste concentré, bien dans mon axe, droit comme un i sur mon cheval bleu… je souris.
 
Le sérum physiologique ne m’aurait pas mieux rincé les yeux. Mettez-vous à ma place, le vent assèche mes globes oculaires, je dois bien les hydrater.
 
Bratislava attendra.
 
Je cherche un coin où poser ma tente.
 
C’est magnétique… à chaque fois j’ai comme un coup de coeur très net. Cette fois, c’est le jardin d’un musée qui me chante cet air Funky :”Voulez-vous coucher avec moi… ce soir ?”
 
Ce sera là.
 
Herbes courtes et un peu sèches, fontaine à proximité, buissons pour y déposer le diable.
 
Je suis heureux.
 
Aussi, un jeune couple à qui j’ai demandé si d’après eux la police ne viendrait pas ranger ma tente avec un bulldozer a appelé la conservatrice, amie de la famille, qui a donné son accord.
 
Repas respectueux de l’apolon, toilette a l’eau glacée digne des meilleurs bains dérivatifs, rédaction nocturne de la journée, échanges avec mon amoureuse, avec ma famille…
 
Séance de catch avec Morphée.
 
J’en suis sûr, ces matchs sont truqués.