Serbie +80km
Tente, matelas gonflable, sac de couchage, nécessaire de toilette, petit déjeuner…
Tout est retourné dans les 5 sacoches du Cheval Bleu.
A la lumière du jour, l’eau dans ma gourde, celle que j’ai bu hier soir, est brune. Dragan qui a accueilli mon bivouac dans son jardin est un filou…il m’avait assuré que l’eau du robinet exterieur était potable.
Je la vide et espère que mes tripes n’en feront pas de même.
Je quitte cette presqu’île à la Crocodile Dundee, et ose un raccourci à travers les herbes. J’ai presque rejoint la route en évitant le village tzigane où plusieurs chiens avaient testé mes accélérations anti-morsures.
Il reste un petit sentier de 20 mètres à travers un tunnel d’arbres, mais j’entends une polyphonie canine, un ténor et plusieurs basses.
J’y vais ?
…
Je n’y vais pas !
Mon raccourci empirique devient un détour me replongeant chez les chiens du voyage que je voulais éviter.
Heureusement pour moi, un pit-bull terrier et une jeune doberman avaient fêté leurs nonoces la veille. Les fêtes tziganes chez les chiens de Serbie sont encore plus folles que celles des bipedes, tant et si bien que ce matin-là les rues sont vides.
Au ralenti, épiant la moindre truffe, je sors du village et reprend ma route avec 40 minutes dans le buffet.
Je suis aussi excellent pour choisir la bonne file aux caisses d’un supermarché.
Sans ce journal de bords, je serais incapable de dire depuis combien de temps je suis en voyage.
30 jours.
La densité émotionnelle des jours, la nourriture de la liberté absolue, la toute puissance du corps, abolissent la mesure du temps.
Je ne l’ai jamais vécu ainsi.
C’est là que John Wayne m’est apparu hier.
– trouver un point d’eau
– acheter des vivres
– suivre la piste
– vaincre les attaques des chiens
– choisir un campement
– mettre mon Cheval en sécurité
– faire ma toilette et dormir
Je me sens cowboy.
J’entre dans des villages en cherchant puits et saloon.
Je salue les vieilles dames assises devant leur maison, elles reconnaissent le voyageur solitaire et rêvent que je les emmène par-delà les montagnes, là où leur jeunesse les a attendu tout ce temps.
Sur le bord des pistes de diligences, des pierres tombales à la mémoire des âmes fauchées par la vitesse, l’alcool et autres hors la loi.
Leur nombre fait froid entre les omoplates et augmentent ma vigilance.
Des charognards s’envolent lorsque j’approche de renards, Blaireaux et autres félins de gouttières tripes au vent sur l’asphalte brûlant.
J’attends 3 heures la barge qui me fera passer de l’autre côté du fleuve et me tanne le cuir en mangeant 4 ou 5 poulets entiers.
Sur les poteaux télégraphique, des affiches “Wanted” pour les disparus…
Des troupeaux de vaches qui rient, en rêvant d’être chevauchées.
Quelques coups d’éperons rotatifs plus loin, mon destrier réclame une halte. Je tire sur les rênes du guidon et mets pied à terre.
Je l’attache a un poteau avec sa sangle d’acier… tapote la selle, et malgré moi je marche les premiers mètres jambes arquées.
Il me faut trouver un campement avant la tombée de la nuit, du wifi pour mes récits en signaux de fumée, un whisky pour faire virile mais je ne le boirai pas… ce n’est pas bon.
Ma Roumanie est là, elle touche le Danube mais les ponts sont très rares. Demain, les premières côtes vers les portes de fer… je vais rester sur la rive Serbe, j’y serai à l’ombre.