Mulhouse Istanbul à vélo

Jour 6

95 km 28 → 21°c pluie
 
Réveil au sommet de Ulm et j’ignore encore qu’après quelques tours de pédales je vais pousser un grand cri.
 
Malgré le côté très physique et bohème de ce voyage, j’attache une très grande importance à l’hygiène. Douches, vêtements de rechanges, mini lessives, soins…
Mes vêtements, sous vêtements et chaussures sont en laine Mérinos. Ce sont mes premiers et la légende est bien vraie !
– légers et respirants
– frais en t-shirt
– chauds en multicouches
– antibactériens
– séchent très vite…
Aucune odeur de transpiration même après plusieurs jours de vélo sous la canicule.
 
Tout beau, tout propre je rejoins Anita et Martin dans leur cuisine.
frühstück partagé, menus échanges et rires puis Anita et Martin se plongent dans leurs journaux immenses. Ils me donnent l’impression de mapemondes.
 
Monsieur Erhet est à nouveau là (le méchant prof d’allemand du collège) :
– Rolf, who İst die Zeitung ?
– Die Zeitung İst aur dem Tisch !
– Und du Gisela… Wo İst die Pfeife ?
– Unter dem Tisch ?
 
Ce même prof était expert en arrachage de cheveux qui ne s’arrachent pas. Vous savez, ceux sous la tempe, devant les oreilles !
 
Quel bonheur de partir d’un point élevé.
Je quitte ce couple très attentif et dévale les pentes.
“Yolun açık olsun abi” me lance un cycliste trop musclé en me dépassant. (Vraiment trop musclé).
 
Ça fait chaud au cœur.
Je passe ce pont et pas des moindres… celui tant attendu : Le Danube !!!
 
 
 
Mon cœur est gros. Mes mollets pas encore… Et j’ai le sentiment d’avoir ouvert une des grandes portes de ce voyage.
 
Je respire la Bavière et ce fleuve immense… l’air est bon… corps reposé, je mouline sur ces chemins de halage sur mon bien nommé “Cheval de trait bleu”… petit hommage à Marcel Cremer et la compagnie de théâtre Agora que j’aime tant.
 
A midi, pide épinards fromage encore une fois offert par mes compatriotes qui comme Enrico Macias, ont un grand cœur !
Miam.
 
 Je vais être accueilli chez les parents de Sarah, cyclo-voyageuses qui vient de les inscrire au site “warmshower.com” afin de recevoir des fous comme moi.
 
C’est un peu loin mais j’y vais.
 
Mes nombreux arrêts pour rester propre ainsi que pour faire des images tirent sur le rideau de la nuit et me voilà à pédaler dans l’obscurité.
Pistes qui passent dans des forêts noires…
 
Des grosses cerises imbibée a éviter, slalom entre des jets de kirsch, nuages de crème dans la figure, des plaques de génoise qui me tombent sur la tête… cette fin de journée est des plus dangereuses de ma vie.
Pourquoi ai-je critiqué ce gâteau allemand ?
Comment l’ont-ils su ?
Qui leur a dit ?
 
Marianne chez qui je devais déployer ma tente a pitié de moi en me voyant devant sa belle maison.
 
Elle passe un doigts sur mon oreille et savoure la chantilly qui y était encore déposée.
Sors une cerise de mon nez et la jette dans son compost.
– il fait nuit et la pluie vient de commencer. Me dit-elle. Tu ne pourras pas sortir ta tente. En plus tu pues le kirsch !
 
Elle me propose l’ancienne chambre de sa fille Sarah, me pousse dans la douche puis me propose un plat italien qui ferait oublier toutes les forêts noires !
 
Ses enfants nous rejoignent…
 
Sarah qui rentre d’un voyage à vélo me montre sa main gauche.
Woaw ! Aussi moche que la mienne !
 
Nous rions de ce qui semble arriver souvent aux fous de notre espèce : atrophie des nerfs qui dévitalise certains doigts.
 
10 jours sans vélo et cela passe. Me dit-elle.
 
Nous rions encore de nous et du monde… et c’est avec cette belle ivresse spirituelle que nous rejoignons chacun nos lits respectifs et respectables.
ZzzzzzZZzzzz